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coup de membres de la société, etc., en passant par Lyon, avait écrit à un membre de l’Assemblée nationale une lettre qu’ils avaient sous les yeux, remplie de patriotisme, mais dont ils ne pouvaient que se plaindre infiniment ; que, dans un paragraphe de cette lettre, les députés de Lyon y étaient injustement outragés ; et le paragraphe suivait. C’était celui que vous commenciez en disant qu’il n’y avait rien à espérer des députés de Lyon à qui il ne tenait pas que leur patrie fût entièrement asservie, puisqu’ils n’avaient pas rougi de faire voter des remerciements à une municipalité qui avait trois fois usurpé le pouvoir législatif. Les excuses suivaient ; on prétendait que, quand les éloges avaient été votés, la municipalité ne s’était pas encore rendue coupable et qu’ensuite, s’ils n’avaient fait entendre aucune réclamation sur les choses qui se passaient à Lyon, ce dont on gémissait, c’est que des membres du corps législatif ne doivent réclamer sur rien, quand les citoyens ne se plaignent pas. J’ai senti que tout cela et le discours du président tendait à faire voter quelque lettre de flagornerie, j’en étais indigné ; et quoique d’abord, comme je vous l’ai dit, on parait disposé à en entendre sans aucune peine la proposition, j’ai ramené les esprits à considérer les évènements où l’on trouve à inculper les députés de Lyon sous leur vrai point de vue. J’ai ensuite démontré que ces députés se défendaient par un fait et un principe également faux. Toute l’assemblée s’est déclarée pour mon avis, et je dois au président, qui est un sincère patriote, qu’il n’a pas insisté sur ce que l’amitié paraissait lui avoir fait dire. Après la séance, il m’a dit cependant que, des quatre députés, il était convaincu du patriotisme de Perisse et de Milanois, députés de Lyon[1]. On a arrêté seulement que l’on correspondrait avec les députés de Lyon toutes les fois qu’il arriverait dans cette ville des évènements remarquables et qu’on s’adresserait à eux pour les pétitions que cette société se propose enfin de faire ou de provoquer pour rétablir le patriotisme dans leur malheureuse ville.

C’est un sujet sur lequel je me suis permis encore de parler, et j’ai été vivement applaudi par les patriotes chauds que cela m’a fait connaître. J’ai fait voir l’utilité qu’il y aurait à établir une communication fraternelle et suivie entre eux et les sociétés qui se forment, il parait, avec assez d’activité dans les sections.

J’ai encore échauffé les esprits sur les trois objets de notre adresse à l’Assemblée nationale ; on a mis à l’ordre du jour, pour la séance prochaine, de s’en occuper ; les membres ont été invités à en prendre lecture et à lire mon ouvrage, pour déterminer ce que la société fera pour appuyer les mêmes points près de l’Assemblée nationale.

Voilà, mon cher ami, à peu près où nous avons laissé la ville de Lyon. Si M. Pigott y arrive bientôt, comme je l’espère, je pourrais encore y aller faire une mission. Je vous confirme ce que je vous ai dit que vous devriez faire faire à votre société des Amis de la

  1. Périsse du Luc (1738-18…). — Les auteurs du Catalogue des Lyonnais dignes de mémoire disent qu’il mourut « victime de la Terreur après le siège de Lyon ». Or, d’après le Dictionnaire des Parlementaires, il fut nommé, le 21 germinal au viii, conseiller de préfecture du Rhône.

    Millanois (Jean-Jacques) était, avant la révolution, ancien premier avocat du Roi en la sénéchaussée, membre de l’Académie de Lyon (1777). À la fin de son mandat de Constituant il rentra à Lyon, y resta un des chefs du parti modéré et y fut guillotiné le 5 décembre 1793.