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Il promet à ses Français la ruine de l’ennemi, les dépouilles sarrasines, un butin « bel et gent » :

1168Nuls reis de France n’out unkes si vaillant.

Et telle est, en effet, la vertu du cri d’armes : « Montjoie ! », et telle la fougue des chevaliers, et telle la gaîté de la lutte sous le soleil clair, que bientôt Roland semble avoir prédit juste. Les vingt mille ne pensent plus qu’au riche butin escompté, tous, jusqu’au sage Olivier lui-même, qui s’écrie :

1233Ferez i, Francs, kar très ben les veintrum…
1274Dist Oliver : « Gente est notre bataille ! »

Cette bataille est gagnée, en effet. Hélas ! Une seconde armée sarrasine entre en lice. Les exploits des épées fières, Durendal, Hauteclere, Almice, se multiplient. Vainement. Cette fois, les Français meurent « par milliers, par troupeaux… » À mesure qu’ils tombent, Charlemagne s’éloigne et notre espoir décroît que, si même on le rappelle, il puisse désormais revenir à temps. N’est-il pas trop tard déjà ? Certes, trop tard, et, pour que nous le sachions bien, le poète, jouant le franc jeu, décrit les signes funestes qui, loin du champ de carnage, là-bas en France, présagent le désastre :

« La bataille est merveilleuse et pesante…[1] Les Français y perdent leurs meilleurs soutiens. Ils ne reverront plus leurs pères ni leurs parents, ni Charlemagne qui les attend aux Ports. En France, s’élève une tourmente étrange, un orage chargé de tonnerre et de vent, de pluie et de grêle, démesurément. La foudre tombe à coups serrés et pressés, la terre tremble. De Saint-Michel-du-Péril jusqu’aux Saints, de Besançon jusqu’au port de Wissant, il n’y a maison dont un mur ne crève. En plein midi il y a de grandes ténèbres : aucune clarté, sauf quand le ciel se fend. Nul ne le

  1. Vers 1412-1420-1437.