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scènes complexes de ce complexe poème, celles où resplendit surtout, d’une splendeur d’ailleurs étrange et mystérieuse, la chevalerie de Roland.

J’irai droit à ces scènes-là, car cette heure est brève, et d’ailleurs il suffit de quelques mots pour résumer celles qui les préparent. Au terme de la longue guerre que durant « sept ans tout pleins » il a menée en Espagne, le roi Charlemagne vient de conclure avec le roi sarrasin Marsile une paix qu’il croit durable. Il ramène vers la France ses troupes victorieuses. Pour les garer contre tout retour offensif d’un ennemi soumis de la veille, il doit, quand elles franchiront les Pyrénées, laisser derrière elles, à Roncevaux, une arrière-garde. Roland a réclamé de lui l’honneur de la commander. Qui est Roland ? Un chevalier, son neveu, jeune, beau, fort, qui, dans l’immense armée du vieux roi, semble entre tous proche de son cœur. C’est lui, nous est-il dit, qui « guide les autres » dans les batailles, lui qui conquiert les royaumes, lui qui « chascun jur de mort s’abandonet », et, s’il périssait, Charles perdrait « le bras droit de son corps ». D’où lui vient donc son prestige, sa précellence ? Serait-ce de sa vaillance, de sa pureté ? Mais tous ses compagnons sont, eux aussi, des vaillants et des purs. Serait-ce de sa terrible épée, Durendal ? Mais Durendal est une épée sainte, non pas une épée enchantée ; elle n’est rien que le symbole matériel de la valeur de qui la manie. Serait-ce de sa tendresse pour le roi, son seigneur ? Mais ses compagnons l’aiment du même cœur. Il semble que, dans cette armée de chevaliers unanimes, pareillement dévoués à une même cause, Roland ne fasse que porter à leur paroxysme les vertus des autres, qu’il se distingue des autres seulement par