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religieuse et belliqueuse des croisades, à la faveur des pèlerinages lointains de Rome et de Compostelle, d’humbles traditions locales de nos églises, la légende de Charlemagne à Saint-Denis, de saint Roland à Blaye, de saint Guillaume à Gellone, de saint Ogier à Meaux, de tant d’autres personnages carolingiens en tant d’autres sanctuaires, prennent soudain une valeur neuve. Des jongleurs nomades les racontent, les chantent au son des vielles sur le parvis des églises, sur les champs de foires, aux étapes des pèlerins et des croisés, peu à peu les relient entre elles par le lien réel de leurs itinéraires et par le lien mystique d’une idée : l’idée que Dieu avait jadis choisi Charlemagne et ses Français pour être les champions de ses causes et mener en son nom par les pays une incessante guerre sainte et que la mission qu’il leur avait alors confiée n’avait été que l’ébauche et la préfiguration de la mission que la France des croisades devait à son tour reprendre et accomplir. C’est l’idée de la plus ancienne chanson de geste que nous ayons, la Chanson de Roland, qui groupe autour du vieil empereur, chevalier de Dieu, un peuple de chevaliers de Dieu ; c’est l’idée de tant d’autres romans qui, au XIIe, au XIIIe siècle, exaltent les vertus de loyauté, de désintéressement, de fidélité, qui répètent que « droite justice vaut bonne prière », qui enseignent, comme l’Église, le sacrifice, qui sont fondés, comme la tragédie cornélienne, sur l’honneur, et qui reflètent comme de purs miroirs les sentiments et les passions, l’esprit de l’époque féodale.

Et parce que j’ai choisi, pour y vivre le meilleur de ma vie d’érudit, cette époque, et dans cette époque, pour les étudier de préférence, les chansons de geste, et parmi les chansons de geste, pour lui consacrer le plus de travail, la Chanson de Roland, je crois bien faire de choisir, pour les analyser devant vous, entre tant de