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Célestine. Partons. Élicie, Dieu te garde, ferme la porte. Adieu, maison22.

Sempronio. Ô ma mère ! laissons là toute autre question ; écoute-moi attentivement et réfléchis à ce que je vais te dire ; ne laisse pas aller ton imagination à droite et à gauche, car celui qui pense à plusieurs choses à la fois ne pense bien à aucune. Je veux que tu saches de moi chose que tu n’as jamais entendue, et chose telle que, depuis que j’ai foi en toi, je n’ai rien pu désirer de mieux pour t’en faire part.

Célestine. Que Dieu partage ses biens avec toi, mon fils, il ne le fera pas sans raison, puisque tu as pitié de cette pauvre vieille pécheresse. Mais parle, ne t’arrête pas, l’amitié qui existe entre nous deux n’a besoin ni de préambules ni de précautions pour captiver la bonne volonté. Abrège et va au fait, il est inutile d’employer beaucoup de paroles quand il ne faut qu’un mot.

Sempronio. Tu as raison. Calixte est éperdument amoureux de Mélibée, il a besoin de toi et de moi. Puisque nous lui sommes tous deux nécessaires, profitons-en tous deux ; connaître le temps et saisir l’occasion, c’est ce qui fait prospérer les hommes.

Célestine. Tu as bien dit, je suis au fait, un clin d’œil me suffit. Je me réjouis de cette nouvelle tout autant que les chirurgiens des blessures. Et de même que ceux-ci irritent toujours le mal dans le principe et ne donnent pas grand espoir de guérison, de même j’agirai avec Calixte. J’éloignerai de lui toute espérance de salut, parce que longue attente afflige le cœur ; et plus je lui ferai de peine en lui ôtant l’espoir, plus je lui ferai de plaisir en le lui rendant. Tu m’entends ?

Sempronio. Taisons-nous, nous voici à la porte, et, comme on dit, les murs ont des oreilles.

Célestine. Frappe.

Sempronio. Tac, tac, tac.



Calixte, dans l’intérieur. Parmeno !

Parmeno. Seigneur ?