de la Célestine la prônèrent-ils comme le meilleur ouvrage de morale, la plus saine leçon qui eût encore été donnée à l’Europe pour détourner les jeunes gens du dérèglement et du vice. D’autres déclarèrent qu’il était plus contraire aux bonnes mœurs de présenter au grand jour les détails de la dépravation, même en les punissant, que de les laisser ignorer[1]. L’Église fut consultée, et sa décision ne fut point uniforme. La Célestine fut défendue en Espagne et approuvée en Italie[2], et ce que je vais dire des nombreuses éditions de ce livre démontrera facilement combien la proscription de l’Église fut peu efficace.
L’extrême galanterie qui régnait dans la société espagnole au quinzième siècle, cet élan immense vers l’amour, devenu, comme le dit Rojas, la maladie commune, n’étaient point de la dépravation, du dévergondage, comme les passions blasées et décrépites des nations modernes. Ces expressions techniques et positives qu’on rencontre dans la Célestine, dans le Don Quichotte, dans Rabelais, dans Shakspeare, et que Molière ne s’est pas fait faute d’employer, appartenaient au langage familier, et les jeunes filles les mieux élevées du siècle
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Cervantès, dans l’un des sonnets burlesques qui précèdent
le Don Quichotte, dit que la Célestine serait un livre divin
s’il voilait un peu plus l’humanité.
- ………Celesti —
- Libro en mi opinion divi —
- Si encubriera mas lo huma —
Alejo Vanega, se plaignant des maux que causait une semblable lecture, voulait qu’on écrivît Scelestina plutôt que Celestina. (Tractado de ortographia, part. ii, cap. 3.) - ↑ Sismondi, Littérature du Midi.