lire pour m’éclairer l’esprit ; mais ma pauvre mémoire, si cruellement troublée, ne les a pas retenues, et je ne puis parler, car je vois tes larmes, mal comprimées, couler sur ton vénérable visage. Porte mes adieux à ma mère bien-aimée, conte-lui longuement la triste cause de ma mort. Je ressens grand plaisir de ne pas la voir ici. Prends, mon vieux père, le pénible tribut de ton âge ; c’est dans les longs jours qu’on souffre les grandes douleurs. Reçois le douaire de ta respectable vieillesse, reçois près de toi ta fille chérie. Je pleure sur moi, je pleure sur toi, je pleure plus encore en pensant à ma vieille mère. Dieu reste près de vous ! je lui offre mon âme. Recueille ce malheureux corps qui se précipite près de toi…
ACTE VINGT ET UNIÈME
Alisa. Qu’est-ce que cela, seigneur Plebère ? Pourquoi ces cris de douleur ? J’étais là tout absorbée par l’inquiétude que m’a donnée Lucrèce en nous disant que notre fille était souffrante ; maintenant que j’entends tes gémissements et tes cris si élevés, tes plaintes inaccoutumées, tes pleurs et tes sanglots si profonds, mes entrailles sont tellement émues, mes sens tellement troublés que j’oublie mon premier chagrin. Une douleur chasse l’autre, un sentiment remplace un autre sentiment. Dis-moi la cause de tes plaintes : pourquoi maudis-tu ton honorable vieillesse ? pourquoi implores-tu la mort ? pourquoi arraches-tu tes cheveux blancs ? pourquoi frappes-tu ton noble visage ? Est-il