ACTE DIX-SEPTIÈME
Élicie. Je me trouve mal de ce deuil ; on visite peu ma maison, ma rue est peu fréquentée. Je n’entends plus ni les aubades ni les chansons de mes amants, ni les querelles, ni les bruits de nuit à cause de moi, et, ce qui me fait le plus de peine, je ne vois passer par ma porte ni blanc ni présent. La faute en est à moi seule. Si j’avais suivi le conseil que celle qui m’aime bien, ma véritable sœur, me donna l’autre jour quand j’allai lui annoncer cette triste affaire qui a causé ma ruine, je ne me verrais pas maintenant seule entre deux murailles, car il n’y a personne qui veuille me voir. À quoi bon avoir de la douleur pour quelqu’un qui n’en aurait peut-être pas si j’étais morte ? Elle m’a parlé franchement, elle. « Jamais, sœur, ne témoigne plus de peine pour le mal ou la mort d’un autre qu’il ne ferait pour toi. » Sempronio se serait réjoui si j’étais morte de son vivant ; pourquoi, folle que je suis, me fais-je du chagrin à cause de lui maintenant qu’il n’est plus. Qui sait s’il ne m’aurait pas tuée moi-même, tant il était furieux et emporté, comme il a fait avec cette vieille qui me tenait lieu de mère ? Je veux suivre en tout les conseils d’Areusa, qui connaît mieux le monde que moi ; je veux la voir souvent et profiter de ma vie ! Oh ! quelle agréable compagnie ! quelle conversation joyeuse et douce ! On a raison de dire qu’une seule journée du sage vaut mieux que la vie