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avec moi sur ce chemin si désiré ; je leur ferai prendre une échelle, car les murailles sont élevées. Demain je feindrai de venir du dehors ; je vengerai si je puis ces deux malheureux ; sinon, je justifierai de mon innocence en prouvant que j’étais absent, ou bien encore je ferai le fou pour mieux jouir de l’incomparable bonheur de mes amours ; comme fit le capitaine Ulysse, pour éviter la guerre de Troie et vivre heureux auprès de Pénélope, sa femme.




ACTE QUATORZIÈME


Argument : Mélibée cause avec Lucrèce et s’afflige du retard de Calixte, qui lui avait promis de venir cette même nuit la visiter. Calixte tient parole, Sosie et Tristan viennent avec lui. Calixte, parvenu au but de ses désirs, rentre chez lui et se retire dans sa chambre, se plaignant d’avoir été aussi peu de temps avec Mélibée et conjurant Phébus d’arrêter ses rayons, afin qu’il puisse de nouveau satisfaire son amour.


MÉLIBÉE, LUCRÈCE, SOSIE, TRISTAN, CALIXTE.

Mélibée. Il tarde bien ce cavalier que nous attendons ; que crois-tu ou que soupçonnes-tu de ce retard, Lucrèce ?

Lucrèce. Madame, qu’il y a un juste empêchement et qu’il n’est pas en son pouvoir de venir de suite.

Mélibée. Que les anges veillent sur lui, que sa personne soit sans péril ; son retard ne me donne pas de peine. Mais, hélas ! je pense à beaucoup de choses qui peuvent lui arriver depuis sa maison jusqu’ici. Qui sait si, avec la volonté de venir au rendez-vous convenu, et déguisé comme le sont à pareille heure les jeunes gens de sa classe, il n’a pas été rencontré par les alguazils de nuit et si ceux-ci ne l’ont pas attaqué sans le