sois à lui et fais-en ton plaisir ; il y gagnera beaucoup sans doute, mais tu n’y perdras rien.
Areusa. Je comprends bien, mère, que ce que tu m’as dit tout à l’heure, ce que tu me dis maintenant, tout cela est dans mon intérêt ; mais comment veux-tu que je fasse ce que tu me conseilles ? Il est quelqu’un à qui je dois compte de tout, comme je t’ai dit, et s’il apprend quelque chose, il me tuera. J’ai des voisines jalouses, elles le diront à l’instant. Je n’ai plus beaucoup à perdre, mais je perdrai toujours plus que je ne gagnerai en me rendant à ton désir.
Célestine. J’ai avisé à ce que tu crains, nous sommes entrés sans bruit.
Areusa. Je ne dis pas cela pour cette nuit, mais pour bien d’autres.
Célestine. Comment, c’est ainsi que tu es ? C’est ainsi que tu agis ? Tu n’auras jamais maison avec grenier75. Tu le crains absent, que ferais-tu s’il était dans la ville ? Heureusement pour moi, je ne renonce jamais à donner conseil aux sots, et il y en a toujours, ce qui ne m’étonne pas ; le monde est grand et le nombre des gens expérimentés est petit. Hélas ! ma fille, si tu voyais le savoir de ta cousine et combien elle a profité de mes conseils et de mon exemple ! Elle est habile et ne s’est pas mal trouvée de mes leçons et de quelques bourrades par-ci par-là. Elle peut en compter un dans son lit, un à la porte et un autre qui soupire pour elle chez lui ; elle s’acquitte avec tous, à tous elle fait bon visage et tous pensent qu’ils sont tendrement chéris ; chacun d’eux est persuadé qu’il est seul, que lui seul est aimé, que lui seul suffit à ce dont elle a besoin. Et tu crains d’en avoir deux ! Crois-tu que les planches de ton lit le découvriront ? Te contentes-tu donc d’un seul morceau ? Tu ne feras pas grandes provisions ; je ne voudrais pas vivre sur tes restes. Jamais un seul ne m’a suffi, je n’ai jamais mis mon affection en un seul. Deux peuvent davantage, quatre encore plus ; plus ils sont, plus ils donnent et