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Sempronio. Te tairas-tu, pour Dieu, ou je t’envoie au diable ! Elle a raison si elle passe la revue de ses vêtements, puisqu’elle en a besoin. De ce qu’il chante, le curé s’alimente.

Parmeno. Et il est nourri comme il chante ; mais cette vieille horreur voudrait changer tout son vieux poil, pour trois pas qu’elle a faits en un jour, quand en cinquante ans elle n’a rien pu gagner !

Sempronio. Est-ce là la reconnaissance que tu portes à celle qui t’a élevé ? Sont-ce là les conseils qu’elle t’a donnés ?

Parmeno. Je permettrai bien qu’elle demande et qu’elle plume, mais non pas pour elle seule.

Sempronio. Elle n’a pas d’autre défaut qu’une extrême avidité ; mais laisse-la faire, qu’elle garnisse ses murailles, il faudra bien ensuite qu’elle garnisse les nôtres, ou elle nous connaît bien mal.

Calixte. Dis-moi, au nom de Dieu, ma bonne, que faisait-elle ? Comment es-tu entrée ? Quel vêtement avait-elle ? Dans quelle partie de la maison l’as-tu trouvée ? Quel accueil te fit-elle dès l’abord ?

Célestine. L’accueil que font les braves taureaux à ceux qui leur lancent les dards dans l’arène ; l’accueil que font les sangliers aux limiers qui les mettent aux abois.

Calixte. Et c’est cela que tu appelles des signes de salut ? Quels autres donc seraient des signes de mort ? Ce ne serait certes pas la mort elle-même, car, dans une telle position, elle apporterait un soulagement à mon tourment, que rien n’égale.

Sempronio. Voilà toute la bravoure de mon maître. Qu’est-ce que cela ? Cet homme ne saura-t-il donc pas attendre patiemment ce qu’il a toujours désiré ?

Parmeno. Je me tais, moi, Sempronio, et si notre maître t’entend, il te corrigera aussi bien que moi.

Sempronio. Le feu du ciel te brûle ! tu parles pour