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À cette heure assoupie et discrète du soir
Où tout devrait songer vers du paisible espoir,
Une voix avinée au timbre monotone,
Péniblement chantonne,
Traînante et fausse au fond du bois tout noir

J’erre à travers le vide,
Le front livide,
Le ventre creux,
Le crâne vide !…

Vers la ville, sous bois,
La chanson brusquement s’endort, comme étranglée.
Tout se tait, puis soudain dans l’ombre d’une allée
Un chant de femme monte et, sinistre, sa voix
Toute voilée,
Au loin se répercute, d’effrois en effrois,
Vers la ville, sous bois :

Gueuse !… je me vengerai
Et je le prendrai
Tous tes amants et tes amies
Les plus jolies !
Et tu sentiras, loin du cœur, loin de ta peau,
Papillonner
Leur baiser ;
Et tu sentiras, vers ton cœur, près de ta peau,
Papillonner les coups de couteau !

Du Songe, retombant, par l’Image, au Réel,
Ma pensée à nouveau, d’un coup s’est abîmée
Puis retourne au chevet de torture où l’Aimée
Se débat sous un mal dont le baiser cruel
Peut la défigurer ou tuer affamée.