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Ô Nature éternellement déconcertante
Qui fonds en harmonie infinie et constante
Et la joie et la lutte et le deuil et la paix,
Nature qui refais sans cesse et redéfais
Ton œuvre toujours même et pareille jamais,
Es-tu l’artiste fort à la main mécontente
Qui chaque soir, très las mais hurlant sous le faix
Détruit rageusement ses merveilleux essais
Puis, souriant, s’endort dans la sereine attente
Du jour qui parfera le chef-d’œuvre qu’il tente ?

Si tu l’es, hâte-toi romps le cycle cruel
D’une vie où, sans but qu’un leurre universel,
Tout se meut et se meurt, astres, fruits, fleurs où femmes
Où toi-même en prison sous tes fragiles trames
Tu n’ourdis que tissus d’où s’échappent nos âmes !
Car nous vibrons, hélas d’un vœu de bonheur tel
Que parfois nous vivons loin de nos corps infâmes
L’amour pur et sans fin qu’à seize ans nous rêvâmes
Et nous songeons si haut dans l’abîme du ciel
Que l’homme se sent mûr pour rester immortel !



Et pris d’un renouveau d’énergie et d’espoir
Je marchais vers la Tour de lumière tranquille
Et veilleuse, qu’allume en plein ciel, sur la ville,
Chaque retour du soir,
Puis, calme, je franchis l’horreur du bois tout noir


P.-N. Roinard



Saint-Amand (Cher) — Imp. Em. PIVOTEAU & Fils