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FINALE


Je n’eusse pas tiré le papillon, du ver,
Le blé, la vigne et l’or, des terres remuées,
L’été beau de clartés, des sombreurs de l’hiver,
Le diamant, du sol, l’étoile, des nuées,
L’esprit, de la matière, et de toi, l’espoir bleu !
Puisque toute beauté naît d’essence grossière,
Puisque tout est poussière et retourne en poussière,
Rien ne fût né, si j’avais été Dieu !

Et pourquoi créas-tu l’homme, ce dieu raté ?
La femme, ce démon ? ces deux bêtes de somme,
Faites pour s’accoupler et qui n’ont enfanté
Jamais, que des fils comme eux, tes chefs-d’œuvre en somme ?
Pourquoi nous créas-tu, nus, laids, sans feu ni lieu,
Avec des yeux en pleurs, des fronts qui s’humilient,
De la mort dans le sang et des bras qui supplient ?
J’eusse eu pitié, si j’avais été Dieu !

Pourquoi créer le sol ? la mer ? Pour y creuser
Des tombeaux à la vie éternellement brève !
Le vent ? Pour tout flétrir ! Le temps ? Pour tout user !
Les cieux ? Pour qu’on n’y pût jamais monter qu’en rêve !
Pourquoi faire un soleil qui pleure quand il pleut ?
Pourquoi frapper la lune avec une effigie
Qui montre au gueux sans gîte et nargué par l’orgie
Que l’or est roi partout, même chez Dieu ?