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CONVERSATIONS À L’OFFICE.

— Pour cela, je ne puis pas trop vous dire. M. le maréchal de Saxe avait pour coutume de prêter souvent son hôtel à des comédiennes quand il partait en campagne ; M. le contrôleur général, homme raisonnable, agit peut-être ainsi pour ses protégées.

— Dites ses parentes, Printemps ; Mme  la marquise de Langey ne peut être, ne doit être que sa parente, reprit Joseph avec une pruderie manifesté de dignité.

— Sa parente, soit ; mais il me revient en mémoire l’aventure de certaine cousine du maréchal de Saxe qu’il faut, monsieur Joseph, que je vous conte. C’était en 1730… ma foi… L’armée…

Des cris perçans arrêtèrent l’histoire de M. Printemps dès son début, l’on vit entrer dans la salle plusieurs nègres de houe armés de pioches, amenant un petit noir qu’ils tenaient par le collet. Derrière cet enfant marchaient, d’un air piteux, plusieurs négrillons, ses amis et ses complices sans doute, car les nègres de houe ne s’en étaient rendus maîtres eux-mêmes qu’en les battant. Le héros de la troupe porta la parole devant Platon ; il dit avoir trouvé Zäo sellant lui-même un cheval pris à l’éperlin ; que sur les flancs du cheval pendaient deux paniers remplis de morue sèche, de viande salée et de fruits, des pipes, du tabac, un habillement neuf, tout ce qui peut servir à un voyage de longue haleine ; qu’après avoir battu et questionné Zäo sur ces choses, volées sans doute, ils n’en avaient tiré aucune réponse, et qu’ils l’amenaient pour que Platon lui-même l’interrogeât.