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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

voudrais pas encourir le blâme de Mme  la marquise de Langey, répondit Noëmi en appuyant sur ce mot.

Joseph Platon se contenta de reculer sa chaise loin de Noëmi avec un dédain assez marqué, et pendant que la négresse s’occupait assidûment de son travail, à la lueur d’une petite lampe, il causa avec M. Printemps ainsi qu’il suit :

— Eh bien, je l’ai vue, Printemps ?

— Pardine ! moi aussi, mais c’était à la nuit. N’importe, je la tiens pour une belle femme, monsieur Joseph ! et je m’y connais… Voilà une maîtresse femme, celle-là !

— À quoi jugez-vous cela, Printemps ?

— À ces dix louis qu’elle m’a envoyés, monsieur Joseph. C’est une femme rare, une femme de qualité, qui me paraît beaucoup tenir à sa cuisine… C’est à la bouche qu’on reconnaît une marquise, voyez-vous…

— Marquise tant que vous voudrez, reprit Platon ; mais si vous aviez vu avec quelle dextérité son singe, qu’elle nomme, je crois, Poppo, m’a cassé ma badine… C’est un fort vilain être que ce Poppo !

— Elle a un singe ! C’est encore au singe que l’on reconnaît la vraie marquise !… Ah ! il est vrai que Mlle  Lecouvreur, pour laquelle M. le maréchal de Saxe m’a fait rôtir et confire prodigieusement, dans les temps, en possédait un fort journalier… Quelle comédienne que cette demoiselle Lecouvreur !

— Printemps, vous qui avez de l’esprit, que pensez-vous qu’elle vienne faire ici ?