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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

compté sur une nuée de tapissiers et de peintres décorateurs pour m’arranger ces appartemens ; il paraît que vous y avez renoncé. Je trouverais plaisant d’en écrire à M. le contrôleur général, si je ne vous savais son protégé… Sa grande case, ma foi, ne ressemble pas mal à une grange et ses lits à des banquettes d’Opéra ! À la Guadeloupe, je vous en préviens, j’étais mieux traitée. Tous les matins d’abord, sachez-le, mon très-excellent monsieur Platon, je prends un bain. Les parfums de l’oranger et du frangipanier me vont encore, mais j’aime aussi les parfums de France, et vous m’en aurez, n’est-ce pas ? Je vous préviens aussi que je n’ai pas assez d’un singe, il me faut le plus joli de vos négrillons pour porter mon parasol. Qu’il soit bien appris, et remplace auprès de mon fils un angora magnifique que nous avons eu le chagrin de perdre dans la traversée… À propos, l’avez-vous vu mon fils ? Négresse, allez donc chercher Maurice !

Joseph Platon avait écouté cette tirade, prononcée avec une dédaigneuse paresse, sans oser même respirer. Il semblait s’attendre à une seconde avalanche de reproches. L’air embarrassé, il tournait bêtement son chapeau de paille entre ses mains et regardait l’horrible singe de Mme de Langey comme pour se donner une contenance…

La négresse revint, portant M. Maurice, âgé de six ans, entre ses bras. Cet enfant, contrarié de se voir distrait de ses jeux, pleurait d’avance, il arriva de fort mauvaise grâce devant Platon. M. Maurice avait toutes les allures d’un enfant gâté, il commença