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CREOLE ET MARQUISE

Joseph Platon une beauté surhumaine. Pendant quelques minutes, le gérant de la Rose resta interdit devant cette statue royale qui avait l’air de quelque Diane en marbre sortie du parc de Versailles. La marquise avait à peine remarqué son entrée, elle riait avec sa négresse et un gros vilain singe mangeant une goyave. Mme  de Langey toisa Platon de la tête aux pieds, Finette lui avança une chaise en canne. Le malheureux vit le moment où, faute de phrase de début, il allait être obligé de baiser la pantoufle de Mme  la marquise. Rien ne lui parut plus glacial et plus majestueux que cet accueil.

— C’est donc vous, monsieur Joseph Platon ? je ne suis pas fâchée de vous voir, dit-elle avec un petit éclat de voix sèche. Vous dirigez tout ici, n’est-il pas vrai ?

Joseph Platon pressentit une tempête.

— Vous avez eu pour moi, continua-t-elle, des attentions inimaginables… Le coucher d’abord, puis l’aubade. Dites-moi, monsieur Joseph, en étiez-vous ? Finette prétend que vous la dirigiez comme violon…

— C’est un instrument que j’aime assez, répondit Platon avec un sourire de modestie gênée ; madame la marquise ferait-elle aussi de la musique ?

— Pas tout à fait aussi bien que vous, monsieur Platon. Ah ! ça, dites-moi, vous ne m’attendiez pas sitôt ?

— M. de Lassis m’avait écrit pour le vingt.

— C’est à cela sans doute, mon digne monsieur Platon, que j’ai dû ma belle réception ! J’avais