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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

nière des esclaves. Joseph Platon et le maître d’hôtel ne l’eurent pas envisagé trois secondes qu’ils reconnurent Zäo, mais Zäo à moitié fou, trébuchant comme après une longue course ou une orgie, Zäo n’ayant plus que la moitié de sa veste à force d’avoir couru. Ils ne pouvaient comprendre quelle poursuite l’avait amené dans le verger, dont les branches épaisses les dérobaient tous deux à son regard. La présence subite du vieux vaudou, qu’ils avaient entrevu la veille dans l’ajoupa de Noëmi, tira bientôt Joseph Platon de son incertitude à cet égard ; cet homme, sortant tout d’un coup d’une enceinte voisine protégée par des pingoins et des raquettes, se posa subitement devant Zäo en lui demandant si tout était prêt.

— Je guettais, maître, je guettais, fit Zäo avec un mouvement de crainte. Moi être d’avis qu’il nous faut attendre jusqu’après demain ; après demain il y aura plus de chances pour notre projet…

— Songe bien, Zâo, que tu n’auras la grappe libre qu’à ce prix…

— J’ai promis, maître ; Zäo vous tiendra parole.

— Surtout, pas un mot. Je compte sur toi pour après demain. Adieu…

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Le vaudou s’était abîmé dans les broussailles. Joseph Platon allait appeler Zäo pour lui demander compte de ce singulier entretien, quand Finette, en belle robe de mousseline blanche, s’avança vers lui. Trois heures sonnaient à l’horloge de la grande case.