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JOSEPH PLATON.

L’équitation n’étant pas le fort de Joseph et cependant une des nécessités de son emploi, il prenait grand plaisir à faire monter à Saint-Georges son cheval de réserve, cheval difficile auquel l’éperon déplaisait et que l’enfant conduisait du bout des doigts avec une dextérité merveilleuse. Cette monture se trouvait ainsi façonnée pour le gérant, qui, on le voit, au lieu d’avoir cet enfant mulâtre pour élève, comme il le disait complaisamment, le trouvait déjà son maître en chacun de ses exercices.

Le perroquet de l’ex-commis aux gabelles mérite bien que nous en disions quelques mots. C’était un charmant oiseau ; il était né dans la partie espagnole de l’île et mangeait le calalou avec toute la grâce d’un créole. Cette bête n’avait qu’un défaut, celui de répéter assidûment le même nom et la même phrase : Rosette ! Rosette ! Pauvre Joseph Platon ! Cette exclamation touchante de l’oiseau se rattachait à un malheur domestique de son maître, sur lequel nous ne nous appesantirons pas. Joseph Platon, étant commis aux gabelles, avait épousé Mlle  Rosette, blanchisseuse et empeseuse, logeant à l’entrée des Percheron. Mlle  Rosette, après une semaine de mariage, avait trouvé bon de se faire enlever et d’en prévenir officiellement Joseph Platon par une épître qu’elle s’était sans doute fait écrire. Cette lettre, le malheureux gérant la relisait maintes fois dans ses jours de fièvre aux colonies, en jetant aux échos son nom et celui de la parjure ; ces deux noms étaient devenus la gamme éternelle de son perroquet.

Seul possesseur par le fait de cette habitation, Jo-