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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

sujets que ces aventuriers sans existence, flétris du nom de petits blancs à Saint-Domingue, race bâtarde, fuyant le plus souvent l’Europe pour des crimes, et qui, grâce à la blancheur de son épiderme, fut souvent surprise de retrouver, sous le ciel des Antilles, une considération dont elle était très-certainement indigne. L’exigence impudente de cette caste surpassa de beaucoup les torts des nobles propriétaires : ce furent les vexations de ces hommes, leur dégradation morale, leurs intrigues et leurs attentats juridiques qui fomentèrent les excès de Saint-Domingue.

Cette habitation de M. de Boullogne était donc depuis longtemps inoccupée. D’abord conseiller du roi en son parlement de Metz, intendant des finances de sa majesté, puis contrôleur général et grand trésorier de l’ordre du Saint-Esprit, M. de Boullogne était retenu à Paris par d’insurmontables devoirs et des alliances importantes pour sa famille. La volonté du roi était qu’il ne s’absentât jamais des conseils, son département d’intendant des finances étant aussi grave que compliqué. Ces raisons de convenance et de haute position l’avaient toujours empêché de revoir la Rose, cette habitation opulente, sœur ou plutôt rivale de celles qu’il possédait à la Guadeloupe. Confiné dans les soins importans d’un ministère, homme d’État et de travail avant tout, à peine reconnaissait-il, sur une carte envoyée de l’île, le tracé de ses richesses, son habitation bordée de palma-christi et de tamarins plantés symétriquement à cinq pas de distance l’un de l’autre, au milieu d’une haie touffue de citronniers ; la flèche