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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

ne sont eux-mêmes que des instrumens vis-à-vis d’autres machines. Le chef abrité par un énorme chapeau de paille et les yeux munis de lunettes vertes que la réverbération fatigante du tuf blanc, qui abonde aux colonies, ainsi que la chaleur violente lui avaient fait adopter, il se promenait régulièrement dans la cotonnerie, tintant lui-même au besoin la cloche de travail, comme s’il était encore sur le port de Bercy, théâtre de ses premières campagnes. Cette fabrique, dépendante de l’habitation de M. de Boullogne et qui ne rapportait pas moins de quatre cents milliers de coton par an, avait de quoi l’occuper.

Le vaudou regardait cet homme d’un air inquiet, ainsi que nous l’avons observé, et sa conjuration magique en demeurait suspendue. Comme tous les prophètes qui ne veulent jamais se compromettre, il jugea prudent d’envelopper sa prédiction d’un nuage énigmatique, et prenant avec résolution la main de Zäo, dont la contenance était devenue assez piteuse, il lui dit :

— Tu m’as demandé, Zäo, d’interroger pour toi le sublime Dompête ; eh bien ! voici, Zäo, ce qu’il m’ordonne de te dire : « Tu auras un jour un nom illustre, tu seras élevé très-haut, et tu planeras au-dessus de ta tribu ! »

Le vaudou prit en même temps une pincée de terre dans sa poche et la répandit sur les cheveux crépus de Zäo.

— Par Dompête, notre chef, et par cette figure taillée que je te donne en son souvenir, je te répète, Zäo, que tu auras un jour un nom illustre, que tu seras