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L’AJOUPA.

ses moindres traits avait droit de surprendre chez un mulâtre, mais il faut se hâter de dire que cette nature bâtarde se serait relevée bien vite, même à l’œil jaloux d’un blanc, de toute l’énergie et la finesse de sa trempe.

Singulièrement souple, elle gardait dans chacune de ses fibres une grande valeur d’agilité et de force, elle aspirait déjà la vie et la passion. Le corps de cet enfant mulâtre semblait avoir été jeté dans un moule à part, la puissance physique s’y faisait sentir avant tout ; les pieds en étaient à la fois fermes et minces, le torse aussi fort que celui d’un jeune tigre. Pour son col, il était implanté vigoureusement et avec un air réel de noblesse, son jarret semblait tenir du jarret du basque pour la promptitude et l’adresse ; ses bras étaient longs et bien attachés. Malgré ses cheveux, aussi crépus que ceux de Zäo, et sa couleur plus foncée que ne l’est ordinairement celle des mulâtres, il l’emportait sur le nègre de toute la supériorité du maître sur l’esclave. Sa bouche ne s’était point agrandie à l’instar de celle de Zäo, pour aller au-devant de la nourriture, ses organes ne semblaient pas dressés au larcin dès l’enfance, comme ceux de la plupart des nègres. Zäo promenait partout son regard hébété, il ne semblait avoir aucune conviction de sa force ; c’était une misérable nature d’enfant, fait pour obéir ou pour voler, et se jeter ensuite la face contre terre et les mains sur la poitrine dans quelque jonglerie superstitieuse. Le mulâtre différait en tout de son cousin (car Zäo était le fils de la propre sœur de Noëmi, qui le lui avait recommandé en mourant).