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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

beaux géraniums à calice rouge y combattaient l’odeur des marécages.

Confondus avec les soldats de la garnison, les colons étaient çà et là échelonnés sous les armes, le canon tonnait par intervalles comme à l’arrivée du chef de la colonie…

Les officiers publics, les agens du commerce et les hauts propriétaires traversaient à pied ou à cheval le court espace qui sépare la ville de la plaine ; quelques chaises en cuir roussi, à la portière desquelles passait l’éventail ou le bras d’une créole ; des voitures richement ornées, suivies de nègres à cheval ; des mules à guides rouges portant des Espagnols, le teint à couvert sous leur ombrelle ; des archers de la maréchaussée, le sabre au poing, tel était le tableau mouvant que présentait ces quais, assez mal ombragés du reste par quelques arbres chétifs.

Le spectacle qu’offrait la plaine était aussi inaccoutumé…

Comme une vaste arène au sable d’or, elle se trouve alors entièrement vide à son milieu ; elle a pour ceinture une délicieuse écharpe de femmes et de créoles. Sur ces échafaudages légers qui l’entourent, le seul bruit de la fête a rassemblé les plus charmantes reines de la colonie, toutes accourues de Léogane, du Port-au-Prince et du Cap, leurs résidences ordinaires. Les orangers embaument l’air, les limons et les fruits glacés circulent. Ce cordon noir qui décrit de temps à autre des plis sinueux sous les bourrades des archers, c’est le peuple nègre ; il ouvre ses grands yeux jaunes pour jouir de ce spectacle qu’il contemple