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RENCONTRE.

sans réveiller le moins du monde ses compagnons, puis avec son couteau il coupa le licol d’une mule non sellée qu’il enfourcha.

Il était à vingt-cinq pas quand un coup de fusil retentit à son oreille.

— À mort le fuyard ! à mort ! criait en même temps Joseph Platon.

Mais la mule fougueuse, obéissant à son cavalier autant qu’à son humeur, avait emporté le jeune homme loin des regards irrités qui le cherchaient.

— Mon fils ! mon fils ! cria la négresse en se tordant les bras de désespoir.

Épuisé de fatigue et distinguant à peine la route qu’il avait prise à tout hasard, Saint-Georges se trouvait alors devant un enclos planté de croix et voisin d’une grande église. La mule s’arrêta, blanche d’écume, devant cet endroit que l’aube naissante éclairait. Saint-Georges reconnut le derrière de l’église de Saint-Marc. Un homme en manteau brun priait debout, le bras appuyé sur une tombe de marbre ; son cheval broutait l’herbe auprès de lui. Il se détourna et considéra le mulâtre avec un certain air de défiance. Voyant sans doute qu’il n’en avait rien à craindre, — car Saint-Georges n’était pas armé, — il continua sa prière.