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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

distinguait à peine la croupe luisante et polie de quelques mules indociles attachées par la bride à ces fourgons.

À la chaleur et à la poussière accablante de cette route il fallait joindre la fatigue corporelle résultant des travaux de la journée, une influence somnifère se répandit bientôt sur cette noire caravane.

Saint-Georges était parvenu à se placer sur le derrière de la charrette ; Noëmi, assise à côté de lui, dormait déjà profondément.

La main droite de la négresse serrait étroitement une petite bourse de soie rouge, la bourse où elle avait serré ses cinq pièces d’or… Il y eut un instant où le chariot pencha, cette bourse frôla les doigts de Saint-Georges…

— Que je vous garde cette bourse, mère, et maintenant sommeillez en paix !

Il la serra dans sa poitrine, recouverte d’une ancienne veste de chasse qui avait appartenu à Platon, et, les yeux tournés vers les dattiers et les palmistes de la Rose, qui fuyaient au loin derrière lui, il soupira…

Et tout son courage d’enfant ne put le défendre, il fut brisé de douleur à la vue de sa misère.

— Non ! s’écria-t-il, non ! je ne suivrai point ces hommes !

La caravane passait alors sous des lianes touffues, des plantes grimpantes formaient un berceau sur la route et redoublaient son obscurité. Profitant de ce voile épais si favorable à sa fuite, le mulâtre, avec une agilité merveilleuse, se glissa sous la charrette