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RENCONTRE.

— Qu’avez-vous donc ? vos lèvres se heurtent comme si elles poursuivaient quelques mots intérieur…

— Je n’ai rien, rien, je t’assure… seulement j’ai un peu froid ; ferme cette fenêtre, ma bonne Finette.

— À huit milles d’ici ! se répétait le mulâtre à voix basse et lente. Ne plus la voir ! Mon Dieu ! c’est un exil, j’eusse préféré souffrir sous ses yeux !…

— Bonne nouvelle ! mon cher Saint-Georges, vous me revenez, s’écria Joseph Platon qui entrait. Le digne homme balançait à sa main une grande carte semée de lignes jaunes et rouges.

— C’est le plan de ma caféyére, mon jeune ami. D’après l’avis de M. de Lassis, qui vous a trouvé fort et découplé, vous avez besoin de ne pas vous amollir dans les délices de Capoue, c’est-à-dire de la Rose. Or, ma nouvelle plantation est sur un plateau favorable à la culture, je vous arrache à la Rose ainsi que Noëmi, je vous installe là dans mes domaines, car au lieu de me faire les gros yeux comme je l’avais craint, cet excellent M. de Lassis m’a adjugé cette lande de terre, au prix coûtant, il est vrai ; mais enfin je suis seigneur ! En cette qualité, je vous enjoins de vous tenir prêts, nos fourgons partiront cette nuit même.

— Cette nuit ?

— Oui, cette nuit, vous serez parbleu bien soigné. Votre mère-nourrice Noëmi ne vous quittera pas,