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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

hutte, mais dans un palais. Je me suis réveillé quand j’allais parler à une reine, à la reine de France, oui, bonne mère !… à la reine !

— Enfant ! pauvre enfant ! que Dieu exauce ton sommeil !

— N’est-ce pas de cette fenêtre, dis-moi, Finette, que l’on aperçoit la volière de la marquise ? Tu es debout contre cette fenêtre, tu peux voir ce qui se passe sur la pelouse ?

— M. le marquis Maurice s’y promène tout seul avec M. Joseph Platon.

— Tout seul !… c’est vrai… l’on m’a chassé, je ne suis plus son Saint-Georges ! Te souviens-tu, Finette, de cette piqûre de moustique qu’il attribuait un jour au dard venimeux du scorpion ? On ne savait ce que cela deviendrait, moi je me mis à sucer la plaie au risque d’être empoisonné ! Et c’est moi que l’on accuse d’avoir voulu le tuer par le poison !

Il s’animait lui-même au feu de ces dernières paroles, il regardait le ciel, qu’il semblait prendre & témoin de cette injustice.

— Ne vous emportez pas, Saint-Georges, votre condition va changer, M. Platon assurait hier que vous ne serviriez plus que lui ; il a obtenu cela de Mme la marquise. Ignorez-vous qu’il possède aussi trente nègres et qu’il a acheté la moitié d’une caféyère à huit milles d’ici !

— À huit milles !

— Oui, près la route des Cayes. Elle est située sur le plus charmant plateau qui puisse se voir.

— À huit milles ! murmura le triste jeune homme.