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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

« Si je crie dans la violence que je souffre, on ne m’écoutera point ; si j’élève ma voix, on ne me rendra pas justice.

« Le seigneur a fermé de toutes parts le sentier que je suivais, et je ne puis plus passer ; il a répandu des ténèbres dans le chemin étroit par où je marchais.

« Mais celui-là seul est puissant et redoutable qui fait régner la paix dans ses hauts lieux.

« Peut-on compter le nombre de ses soldats, et sur qui sa lumière ne se léve-t-elle point[1] ?

Noëmi ferma le livre ; un rayon d’espérance avait pénétré le cœur de cette mère…

— Pauvre enfant ! comme ils t’ont battu ! murmura Finette à voix basse, en baisant les bras du mulâtre pendant son sommeil. Ils étaient marbrés de coups.

— Poussez la fenêtre, Finette, l’air qui vient des jardins le rafraîchira ; voici une infusion de thym des savanes que je lui prépare.

— Les belles feuilles longues et dentelées ! Elles imitent celles du chamœdris. Ce thym des savanes, mère Noëmi, ne fleurit-il pas toute l’année ?

— C’est avec la liane à cœur un des meilleurs vulnéraires de l’île. Mais tu te connais donc en plantes, chère Finette ?

— Du tout, mère Noëmi, je me souviens seulement de ce nom de chamœdris, parce qu’un de ces caperlatas ou charlatans qui courent les rues et les places à la Guadeloupe m’en prescrivit l’usage dans une longue maladie. Je n’étais pas alors au ser-

  1. Livre de Job.