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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

seule pouvait le sauver, et s’adressant à M. le prince de Rohan :

— Monseigneur, continua-t-elle comme étouffée par la joie et en se jetant à ses genoux, ordonnez au mulâtre Raphaël de tremper son ongle dans ce verre !

Et sa main tremblante d’émotion, plus encore que de colère contre cet homme, versait l’eau cristalline d’une carafe dans un verre pris sur la table…

Deux laquais forcèrent Raphaël à y tenir l’ongle de son index plongé… Cette eau pure, à l’égal d’un miroir, se ternit soudain ; décomposée dans l’intervalle d’une seconde, elle ne tarda pas à produire l’exhalaison infecte du poison…

— Que cet homme boive ce verre ! s’écria Mme de Langey. Le misérable voulait empoisonner mon fils !

On porta le verre aux lèvres de Raphaël… Malgré sa résistance, il le but, tourna sur lui-même et tomba pesamment sur le parquet.

Le cercle d’un blanc mat où roulait son œil s’était déjà couvert de fibrilles vertes et livides…

— Merci, vieille zombie[1], merci !… tu avais deviné juste… hurlait-il en se roulant, le poison venait de moi… l’or, de cet homme… Noëmi, nous mettons le poison sous l’ongle, nous autres, tu le sais, on ne va pas nous le chercher là…

Puis en se tordant et en faisant craquer ses membres contre la table :

  1. Sorcière.