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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

deux choses qui, dit-on, plaisent aux femmes. Comme il fallait qu’il y eût une ombre au tableau, on l’accusait seulement de leur parler avec cette sorte de rudesse altière que les Rohan, qui ont toujours prétendu au rang des maisons souveraines, se croyaient peut-être en droit d’apporter dans leurs moindres faveurs.

À l’exemple de celle du prince Louis[1] le grand aumônier de France, la demeure de M. de Rohan était devenue bien vite une demeure princière : il ne s’était pas endetté de plus d’un million comme le cardinal à son ambassade de Vienne, mais ses dépenses faisaient déjà du bruit dans la colonie. Les femmes le recherchaient parce qu’il avait au suprême degré le talent de ne pas les compromettre, il était réservé à l’égal d’un confesseur.

Entre toutes les autres, Mme  de Langey espéra beaucoup de M. de Rohan ; n’avait-elle pas au cœur certaines craintes trop fondées pour qu’elle pût les assoupir ! ne savait-elle pas qu’elle courait elle-même de sombres dangers ? Cette nuit terrible, nuit implacable, menaçante, où elle avait entendu Tio-Blas, se dressait incessamment devant elle comme un fantôme. En se mettant sous la sauve-garde de M. de Rohan, elle éloignait d’elle toute alarme : en l’attirant chez elle, c’était son propre asile, sa propre fortune qu’elle entourait d’un bastion inattaquable. M. de Rohan aimait le faste, la marquise était loin de le haïr, on le sait ; il avait la ré-

  1. Le cardinal, d’abord évéque de Strasbourg.