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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

l’avarice et les prohibitions des pertes prochaines que causerait au commerce et à l’administration publique l’indolence coloniale, semblait prendre plaisir à charger alors ses préposés de multiplier dans l’île les fautes et les abus. Si l’on considère que la colonie la plus importante à la fortune et à la navigation françaises, la seule ressource peut-être de l’une et de l’autre, Saint-Domingue, l’objet unique de l’ambition des Anglais, pouvait devenir à la première guerre le point de mire sur lequel l’attention hostile de nos voisins se dirigerait, et qu’on ne faisait rien directement ni indirectement pour sa conservation et sa défense, on concevra qu’un état de choses semblable dût frapper le gouvernement français. Aussi parut-il s’en alarmer à plusieurs reprises, mais la mission de ses principaux agens, hérissée de difficultés, amena la fermentation par un mouvement trop vif, une ignorance absolue des localités, une présomption d’autorité qui devint funeste. Les exécutions militaires des Cayes et du Port-au-Prince, commandées par M. de Rohan, prouvèrent assez dans la suite que le ver rongeur qui attaquait Saint-Domingue existait plutôt dans l’anarchie imminente de sa législation que dans sa turbulence coloniale elle-même. La perfectibilité du gouvernement intérieur était le plus essentiel des moyens à employer, ce fut le seul qu’on omit.

La mollesse et l’incurie des délégués qui avaient précédé M. de Rohan l’engagèrent, il faut le croire, dans cette inflexibilité de caractère qu’il déploya. M. de Rohan, loin d’être un esprit nul,