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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

Finette ! c’est-à-dire une créature formée pour désespérer une créole qui l’eût rencontrée sur le chemin de son amour, pour soulever en elle tous les tourmens que la jalousie et la rivalité font naître ; Finette, fleur du désert pleine de vénusté sauvage, de gazouillement frais et infinis, s’ignorant elle-même, l’ingénue ! et cependant amoureuse sans le savoir, car Finette aimait Saint-Georges !

Elle l’aimait comme Suzanne aime Chérubin le page de la comédie. Chérubin le folâtre, Chérubin l’impétueux, Chérubin l’adolescent qui cherche la place de son cœur, n’est-ce pas, dites-nous, l’inévitable creuset dans lequel tout amour naissant doit prendre forme ? Mais qu’est-ce que Chérubin, cet enfant hardi, civilisé, conduit par la main jusqu’aux genoux des grandes dames, prés de ce sauvage de treize ans qui raconte timidement son âme à Finette ? La mulâtresse l’écouterait-elle longtemps avec la patience charmante de Suzanne si elle pouvait croire que ce fût à sa maîtresse qu’il songeât ? Cela est pourtant l’exacte vérité ; Finette n’est que confidente, confidente à son insu, car il n’y a personne à qui Saint-Georges dirait ce fatal amour !

Amour fatal en effet, amour désespéré que celui du jeune mulâtre ! Amour qui ne lui laisse pas même le temps de songer aux douces sympathies de Finette, à ses caresses, à son affection de sœur, qui se fait jour par mille côtés ! Amour qui lui est venu enfin comme un incendie qu’allume le vent, et qui dans cette âme vierge ouvrira la voie à tant de blessures nouvelles !

Reportez vos regards sur la vie du jeune mulâtre,