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AVANT-PROPOS.

on le voit, sur cet article un contraste assez bizarre entre le sort des hommes et celui des femmes. Comme il n’y a pas de beauté proprement dite chez les hommes, comme il n’y a que de belles manières, ces belles manières constituaient la suprématie élégante dans un âge où l’on perd ordinairement ses droits à tout avantage extérieur. La vieillesse, au lieu d’être morose, n’avait que de spirituels propos et de piquans souvenirs. Un vieillard aimable est aujourd’hui chose rare ; à cette époque, c’était un personnage qu’on rencontrait dans chaque salon ; il était vert et robuste comme un jeune homme d’aujourd’hui, il ne se plaignait pas de son estomac et montait à cheval aussi dispos que la vieille duchesse de Salisbury, qui suivait une chasse au renard à soixante-cinq ans, en son château d’Hatfield. Cette merveilleuse santé chez un vieillard donnait lieu de croire aux fioles de Cagliostro ou du comte de Saint-Germain ; mais la pratique de l’académie la lui avait seule conservée ; son activité avait fait tout le miracle.

Cela dit, cher Duc, je vous livre le Chevalier de Saint-Georges. Encore un coup, vous allez traverser avec lui Saint-Domingue et Paris, ne l’oubliez pas. La première partie de ce livre ne fait que préparer les voies à la seconde ; là seulement vous retrouverez ce Paris dont nous parlons bien des fois !

La société créole aux Antilles sous Louis XV et sous Louis XVI, société luxueuse et indolente, n’avait pas fourni jusqu’ici le moindre rapprochement