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UN FILS DE BONNE MAISON.

Dès le matin, Saint-Georges se trouvait levé avant Maurice, écartant déjà de son réveil les contrariétés pénibles et se soumettant à ses moindres fantaisies. Ses premières idées avaient été celles d’un serviteur, peu à peu il entrevit qu’il pourrait devenir maître avec cet être pâle qui avait passé six ans par les mains des femmes. Les maîtres du jeune marquis lui déplaisaient comme tout maître déplaît à cet âge : ce fut donc à Saint-Georges qu’ils profitèrent. Plus avancé que Maurice dans la vie corporelle, façonné de longue main aux exercices gymnastiques, le mulâtre eut peu à faire, en vérité, pour réussir. Le fruit de la science arrivait trop tôt pour l’appétit de Maurice, appétit indolent et que l’âge n’avait pas d’ailleurs développé ; au rebours du fils de Mme de Langey, Saint-Georges se trouva merveilleusement apte à en pomper tout le suc. Le maître à chanter, le maître de danse, le maître d’escrime, tout cela était alors donné à un jeune enfant bien né presque au sortir du berceau ; Saint-Georges ne tarda pas à délivrer Maurice de l’ennui et de la fatigue de ces études, fatigue réelle pour un aussi faible élève que le jeune marquis, il les accepta pour lui de façon à y faire de véritables progrès. Maurice était enchanté, car il se trouvait ainsi exempté de ce qu’il ne devait guère entrevoir que comme une tâche ; Maurice, c’était l’enfant créole dans toute l’acception du mot, servi, prévenu, gâté avant même qu’il pût connaître l’empire de la couleur blanche. Maurice allait avoir sept ans, Saint-Georges en comptait treize ; cela eût établi une grande différence entre eux s’il ne fût pas