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LE NUMÉRO 143.

Georges retrouvait ce même corps sur lequel le fouet du commandeur s’était levé ; le matin encore sa jeune imagination rêvait la liberté, le bonheur ; cet affreux spectacle le rejetait violemment dans l’esclavage.

Heureusement pour lui et pour ses enfantines illusions, il ne vit point Mme  de Langey riant du bout de ses lèvres roses à M. le gouverneur et lui montrant à la fenêtre la figure de son gérant immuable comme la loi.

Lorsque M. Platon referma la fenêtre et baissa les stores, une main passait délicatement sur les épaules de Saint-Georges ; c’était celle de Noëmi.

Les yeux de cette mère étaient sans larmes, elle avait bu déjà bien d’autres douleurs et d’autres supplices. Elle pressa le mulâtre contre sa poitrine quand il partit et recoucha elle-même l’honnête monsieur Platon, dont la fermeté romaine avait, on le pense bien, rallumé la fièvre. Il se renfonça dans le lit après s’être mis sur la conscience un chapitre de Jean-Jacques sur le maître et le disciple, et d’une main affaiblie comme celle de Sylla mourant il écrivit le supplice de ses deux numéros 141 et 142 sur son registre.

Le nom de Saint-Georges était inscrit, on le sait, sous celui qui suivait, — le 143 !…