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LE NUMÉRO 143.

inaccoutumée, rien ne te manque. Tu feras bien, mon garçon, de ne pas faire de bêtises dorénavant, tu serais soumis au joli traitement que tu vas voir !

— Qu’est-ce donc, monsieur ? dit Finette en voyant Platon saisir à la muraille son long fouet. La voix de la mulâtresse était suppliante.

— Rien, reprit le gérant, seulement comme j’ai la fièvre, avance-moi ce fauteuil, Saint-Georges.

Le mulâtre obéît ; M. Printemps, qui était sorti l’intervalle d’une seconde, remontait l’escalier tout essoufflé.

— Entendez-vous la cloche ? dit-il à Platon, le Gachard et Mme de Langey sont là sous votre fenêtre. Le Gachard en beau gilet mordoré et en grand habit pluie de paillettes, la Langey avec son parasol, sous lequel M. de Rohan lui conte sans doute quelque ravissante histoire…

— Cela est vrai ! s’écrièrent simultanément les deux enfans. Et quel flot de monde, bon Dieu c’est un spectacle ! Tous les bourgs sont accourus !

De l’appui de cette fenêtre, d’où la tête grotesque de Platon ressortait alors armée de son casque à mèche comme celle d’un proconsul, il put voir bientôt le terrain fauve qui s’étendait devant lui rempli d’une foule de noirs et de créoles. Le mulâtre et la mulâtresse apparurent bientôt, conduits par un commandeur ; c’étaient le 141 et le 142 qui allaient subir la quarantaine de coups exigée. M. Gachard, la main appuyée sur sa canne à bec de corbin, lorgnait la femme d’un air satisfait et avec cette sorte de joie lascive que les peintres donnent aux satyrs. Cette