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AVANT-PROPOS.

déjà contrefaite et rabougrie, la jeunesse, de ce siècle, née avec les plus charmans instincts, se montrait alerte et habile en toutes choses, depuis M. de Bouflers, qui dessinait le pastel et montait à cheval après avoir fait des vers, jusqu’à M. de Lettorière, qui dansait et tirait l’épée comme un ange. Les philosophes, qui n’ont jamais su danser ni marcher dans un salon sans écraser la patte du chien favori, les philosophes, qui n’ont jamais accepté les gens du monde qu’à la condition expresse qu’ils n’effaceraient en rien leur sublime gloire, étaient fort au-dessous, on peut le penser, de ces acteurs du grand monde, acteurs charmans, variés, exempts d’ailleurs de cette éternelle démangeaison de l’esprit qui fatigue ceux qui écoutent. La conversation de ces hommes était semée d’anecdotes, elle éblouissait, pétillait de mille feux comme les bagues qu’ils portaient au doigt. Ils ne s’asseyaient pas en fils de financier, c’est-à-dire en s’épatant dans un fauteuil ; avertis de leur mérite par les prévenances dont ils étaient l’objet, ils songeaient surtout à être aimables ; aux grâces de la figure ils joignaient les grâces de l’esprit. La manie des clubs n’avait pas encore perdu la société en France. Des mœurs souples, polies, une musique de langage presque notée lorsqu’on s’adressait aux femmes, un certain luxe de cérémonie dans l’accueil, des dissonances rares, un ton général d’aisance et de liberté, tels étaient les principaux élémens d’un cercle au dix-huitième siècle.

Mais alors aussi on perfectionnait son maintien