Page:Roger de Beauvoir - Le Chevalier de Saint-Georges V1, 1840.djvu/278

Cette page a été validée par deux contributeurs.
70
LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

des animaux domestiques, des clous, de l’huile, du suif, des houes, serpes, haches, harnois, voitures, denrées et autres objets. La régularité candide de M. Joseph Platon allait jusqu’à écrire ses pertes comme ses profits, les dégâts des noirs et leurs bons services, leurs friponneries et leurs beaux traits.

De la sorte, le registre de M. Joseph Platon eût pu fournir une ample moisson d’observations morales au philosophe, les bons et les mauvais points du digne archiviste étant toujours accompagnés de réflexions en marge et d’annotations caractéristiques :

« Pompée (no 104). — Excellent sujet. — Il n’a passé aux verges que dix-huit fois. — Aimant le tafia et ses devoirs, il eût fait un excellent douanier…

« Adonis (no 5). — Gaillard né pour la cuisine. M. Printemps l’honore de son estime. Il étique deux mulets en un quart d’heure…

« Benjamin (no 122). — Fort mauvais sujet. Il s’est fait marron parce que son commandeur lui avait refusé du suif ; pour échapper aux recherches, il s’est plongé dans la rivière de l’Artibonite, où il a échappé aux recherches en se cachant la tête sous une grande feuille d’arbre.

« Un, deux, trois, quatre, cinq… reprenait Platon en additionnant sur ses doigts. Ci-contre, ce mois-ci, vingt-six noirs morts à l’hôpital, six d’enfuis et quatre…

— Voilà un joli compte à présenter, s’écria-t-il en s’interrompant lui-même tout à coup et en écrasant de fureur sa plume contre son papier. Que va dire