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TIO-BLAS.

désastre pour reprendre leur liberté. Façonnés par moi, ces cinq hommes devinrent bientôt des démons… Comme un hibou sinistre, je plaçai ma nouvelle demeure loin de toute case habitée, près des rocs, dont les plus élevés se perdent jusque dans les nues. Je rejoignais mes hommes à la tombée de la nuit dans la plaine du Morne-Noir ; là, nous nous partagions la besogne. C’était une caravane de mulets chargés de café, d’autres fois des soldats espagnols armés que nous dépouillions sans coup férir, car je nourrissais si bien la haine générique de mes noirs qu’ils se seraient fait égorger. J’avais choisi la plaine du Morne-Noir, parce que les pierres y rendent la poursuite pénible ; dans les monts voisins, sur la gauche, se trouvent des mines de cuivre, je laissais mes hommes y travailler le jour ; le soir ils me revenaient avides de butin. Je me savais perdu, sans ressource, sans nul espoir d’être un jour à vous par les nœuds que je rêvais. D’un autre côté, je vous savais avide, luxueuse, insatiable ; ma résolution fut bientôt prise : je me fis voleur, voleur de diamans, voleur d’or ! On avait comblé mes mines, je m’ouvris d’autres mines souterraines. Grâce à l’évêque de Santo-Domingo, il m’était permis de pénétrer à toute heure dans la cathédrale, j’affectai un recueillement si profond que souvent les porte-clés m’y oubliaient. La coquetterie et le luxe dont notre culte environne les statues me parut une chose utile, je ne reculai point devant un sacrilège presque journalier, le détournement des couronnes de diamans que portent nos madone. Les châsses d’argent, les images, rien