Page:Roger de Beauvoir - Le Chevalier de Saint-Georges V1, 1840.djvu/24

Cette page a été validée par deux contributeurs.
4
AVANT-PROPOS.

Le dix-huitième siècle, ce grand abatteur de préjugés, attaque cette opinion.

En 1798[1], les noirs massacrent les blancs à Saint-Domingue. Trois nègres, Toussaint-l’Ouverture, Dessalines et Rigaud, s’y jouent quelque temps, non-seulement de la politique, mais encore des armes de la France, de l’Espagne et de l’Angleterre.

Depuis, — en plus d’une contrée, — et surtout en France, les hommes de couleur ont prouvé qu’ils ne voulaient rester étrangers ni aux luttes de la politique, ni à celles de l’intelligence. Cependant le préjugé est encore tout-puissant en Amérique !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Je n’énonce ici cette idée que comme un fait ; seulement l’histoire graduée de ce fait se lie intimement à celle de l’homme dont l’étrange figure apparaît perpétuellement dans ces pages.

Cet homme, c’est le chevalier de Saint-Georges, le brillant mulâtre, l’homme des assauts, des bonnes, fortunes et des soupers ; homme unique, en effet, dont un hasard propice m’a fait découvrir le squelette, auquel pend encore une épée à la Tonkin, ornée d’un beau nœud d’argent.

Si frivole que paraisse, au premier abord, la vie d’un tel homme, j’ose assurer, cher Duc, qu’elle renferme des péripéties d’un drame assez intime pour aiguillonner votre attention. Saint-Georges a posé le pied tour à tour sur deux cratères, celui de

  1. An 7 de la république.