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TIO-BLAS.

« J’entrai à la lune dans vos jardins ; la fraîcheur du soir les embaumait ; votre mulâtresse fut mon guide. Après avoir traversé plusieurs salles, elle s’arrêta dans la pièce où vous m’attendiez ; c’était précisément celle où vous m’aviez reçu le matin ; sa vue ralluma bientôt ma rage. Je tirai de ma poche le portefeuille où je m’étais vu contraint d’enfouir vos billets de banque ; je vous le présentai tout ouvert en vous demandant si vous aviez voulu vous jouer de moi, et par quel motif vous en étiez descendue à cette injure ? Le front haut, les bras croisés sur ma poitrine, je vous interrogeai à coups si pressés que vous ne sûtes d’abord que répondre. Le bruit de ma botte, il m’en souvient, faisait alors gémir le parquet ; vous gardiez un froid silence. Toutefois votre admirable génie de comédienne vous reprit dès que je me laissai, comme un enfant, aller aux sanglots à la suite de cette violente sortie. Je pleurai… ne fallait-il pas une issue à ma colère ! Vous me répondîtes que la seule crainte du monde avait pu déterminer votre action du matin, que vous aviez tenu à me payer le prix de ce collier pour votre mari. Mais, vous répondis-je, autrefois vous ne me parliez pas de M. de Langey !

« — C’était chose naturelle, reprîtes-vous ; alors il n’avait reçu aucun avis, il n’était pas jaloux, et surtout il n’avait pas comblé à mon égard la mesure des sacrifices. M. de Langey m’aime, monsieur, et dans ce moment encore il ne visite Saint-Domingue que pour des intérêts graves, un procès qui menace, dit-il, sa fortune. En s’éloignant de moi, vous pouvez