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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

« Quels aveux ! quel langage ! Chacune de mes phrases exprimait assez l’ardeur de ma passion ; j’aimais d’un amour fougueux, irrité par les obstacles : jusque-là je n’avais jamais aimé. Vous reçûtes mes confidences en riant ; vous paraissiez n’y pas croire, et vous me demandâtes pour gage de ma parole un reliquaire d’émail que je portais sur la poitrine. C’était, disiez-vous, le seul moyen que vous eussiez de conjurer le démon : vous m’accusiez d’être le vôtre ; vous me donniez ainsi de l’orgueil à mes propres yeux ! Je vous laissai ce reliquaire au travail duquel je tenais beaucoup ; je l’avais rapporté d’Espagne, et le duc del Campo m’en avait offert un sac de portugaises. J’avais aussi quelques chapelets en or dont je fus heureux de vous parer ; il me semblait qu’un Espagnol comme moi ne pouvait mieux faire que de vous couvrir d’amulettes et de vous consacrer comme une chose sainte.

« En prévenant ainsi vos moindres désirs, je croyais être le seul, je ne tardai pas à me découvrir un rival dans M. de Langey lui-même. Jaloux de vous attacher à lui par tous les liens, M. de Langey, ainsi que me l’avait déclaré le juif, ne se faisait faute d’engager pour vous de rudes sommes au jeu ; il partait, empruntait et perdait presque toujours avec une rare constance. Je ne tardai pas à me trouver humilié de cette concurrence intéressée, ce jouteur acharné que je trouvais sur mon chemin pavé d’or me déplut au dernier point. Cependant, grâce à vos recommandations, je ne laissai rien échapper de cette mauvaise humeur ; le sort traitait d’ailleurs impitoyablement