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TIO-BLAS.

que je devais mon invitation à ce bal ; je ne lui répondis pas, je pris mon chapeau, et je sorti.

« Ce qui motivait dans mon esprit cette brusque disparition, c’était moins le déplaisir que j’avais éprouvé d’être arraché si brusquement à mon rêve que l’humiliation réelle qui m’avait saisi de n’avoir pu fixer seulement votre attention. À peine en effet m’aviez-vous regardé ; mes habits n’avaient rien que de modeste ; vous étiez d’ailleurs trop entourée pour songer à moi.

« Avec votre image, que j’emportai et dont rien au monde ne put me distraire pendant la nuit qui suivit ce bal, j’emportai aussi l’espérance de vous revoir. Déjà je ressentais tous les aiguillons de cette soirée, je faisais mille projets, je voulais vous enlever, me venger de mes rivaux, que sais-je ? Je me tordais, je vous appelais, j’étais fou !

« Résolu de vous revoir, j’allai le lendemain chez ce juif qui m’avait valu l’honneur funeste de vous rencontrer à ce bal. Le bonhomme était alors occupé à défaire un écrin de son enveloppe ; un grand laquais noir, qui venait de le lui remettre, tenait le bouton de sa porte comme s’il eût attendu une parole de lui avant de sortir…

« — C’est bien, Jupiter ; vous direz à la marquise de Langey que je lui renverrai l’écrin pour un prochain bal.

« En parlant ainsi, il faisait sonner joyeusement dans sa main plusieurs pièces d’or.

« Le nègre parti, je demandai au juif de voir l’écrin.