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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

mes fiefs n’existaient plus, j’étais un paria, un exilé !

« Les Espagnols avaient couvert la terre où je posais le pied des vestiges de leur ancienne puissance ; leur grandeur se retrouvait partout sur ce sol inégal et gonflé de décombres, exposé aux tremblemens de terre et aux exactions perpétuelles, engraissé du sang et de la sueur des noirs, qui, sous le fouet du maître, succombaient sans même servir. C’était un Chanaäm ouvert à mon industrie ; je n’hésitai pas à mépriser ceux de ces hommes qui préféraient la vie de citadins nonchalans à l’exploitation de ces landes incultes, de ces mines précieuses qui devaient enfanter de l’or ! Je choisis pour demeure San-Yago ; le Rio-Verde renfermait tant de parcelles de ce métal qu’il le charriait avec le sable. Un esprit actif comme le mien concentra bientôt son activité dans ce commerce ; sous le nom de Tio-Blas, je devins un des plus riches marchands espagnols.

« Mes plongeurs faisaient merveille. Ils ne pouvaient d’abord extraire chacun de ce sable que pour une gourde environ de paillettes ou grains d’or ; je les dirigeai si bien qu’ils doublèrent ce produit. Obligés souvent de plonger dans les endroits les plus profonds, ils m’en rapportaient de petits grenats rouges si fins et si transparens qu’avant de les soumettre au lavage et à l’action du feu, je me prenais à les regarder et à m’attendrir sur eux. Cet or natif me rappelait ma première vie, mon enfance passée près du chanoine de San-Lucar, ma pureté candide et tous ces tranquilles instincts que j’avais perdus !

Moins ambitieux que moi, mais aussi plus heu-