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TIO-BLAS.

tais par orgueil de pauvres étudians qui couraient pieds nus sans avoir de quoi s’acheter des livres ; enfin, la chance me servit tellement que je fus cité dans tout Cadix comme un nabab de l’Inde pour ses trésors.

« Sur ces entrefaites, ma mère mourut, et avec elle s’éteignit le soleil de ma fortune. Au lieu d’obéir, comme autrefois, à mes désirs, les cartes leur furent contraires ; je perdis des sommes considérables et vendis bientôt deux palais. Mon père avait résolu de ne point m’entendre ; il se tenait scellé dans un couvent, après avoir légué à ma sœur toute sa fortune ; celle de ma mère s’était vue engloutir dans l’horrible gouffre ! Il fallait me résoudre à traîner dans quelque ville d’Espagne la vie misérable d’un hidalgo, me voir saisi par des gens de justice pour mes dettes ou m’exiler. Les colonies m’offrirent non-seulement un refuge, mais encore une fortune. Entre toutes les autres, Santo-Domingo me plut : le patron de cette ville était le mien. Je trouvai moyen de m’y rendre sans payer même mon passage, je suivis ici l’évêque don Fernando del Portillo, mon parent, qui venait d’être nommé à cette haute dignité.

« En abordant l’embouchure du fleuve l’Ozama, je ne pus m’empêcher de remarquer sur la rive gauche la maison, ou plutôt le château que don Diegue Colomb, fils de Christophe, fit bâtir pour s’y retirer. Revêtue d’une enceinte de murs épais, elle semblait défier la main du temps. Ce château me fit penser à celui de mon père, mon père qui mourrait sans me voir, mon père qui m’avait maudit ! Mes châteaux,