— Oh ! reprit-elle en se cachant la figure de ses deux mains, je ne l’ai point oublié ! Mais qu’avez-vous à me dire ?
— J’ai à vous dire, Caroline, que je vous hais.
— Vous me haïssez ? reprit-elle en se levant toute pâle.
— Comme on hait le noir qui incendie votre maison, celui qui empoisonne vos bestiaux, celui qui essaie de vous tuer. Vous êtes la couleuvre, Caroline, la couleuvre longtemps aimée, à laquelle j’offris le lait ; maintenant vous ne pouvez ignorer le sort de la couleuvre, — le fusil d’un misérable noir l’a tuée ; — mais vous, — vous, Caroline, qui vous tuera ?
— Vous me faites frémir… Vous êtes cruel, Tio-Blas ; si j’eus des torts, je vous en demande pardon !
— Vous humilier, vous ! allons donc ! vous devez porter la tête haute… Ah ! vous ne savez pas d’où j’arrive, Caroline ? Eh bien ! moi, je vais vous le dire. J’arrive de la Guadeloupe ! de l’habitation des Palmiers, où vous étiez et d’où vous veniez de partir…
— L’habitation serait-elle brûlée ? dites… une révolte de noirs peut-être ?… Vous avez, je le vois, à m’annoncer de tristes nouvelles…
— Tristes, Caroline, tristes comme la robe que vous portez. Vous portez le deuil de M. de Langey ; c’est héroïque !
— Ne le dois-je pas ?
— C’est juste… Mais dans les cafés on m’a appris là-bas d’étranges choses.