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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

balcon, et ils partirent fendant l’air pour se créer eux-mêmes un vent factice. L’habitation de la Rose reprit son calme.

Le poids de cette chaleur accablante ne tarda pas cependant à se faire sentir à la marquise. La fatigue du souper l’avait clouée, pour ainsi dire, dans la galerie ; l’œil machinalement tourné vers Maurice, elle le contemplait légèrement assoupi auprès de Saint-Georges. Le désordre du souper régnait encore, çà et là des verres encore pleins, des glacières d’argent dont la grésille extérieure se fondait. Armé d’un large éventail de feuilles, Saint-Georges écartait les moustiques du front de Maurice.

Tout d’un coup il y eut, au milieu de ce silence, une clameur aiguë, lamentable… Elle éclata d’abord, puis elle s’éteignit sourdement articulée comme une voix humaine dans la peur. Cette voix étrange réveilla l’enfant ; la marquise s’aperçut alors seulement que Poppo avait disparu.

On sonna la cloche, on battit même, à le crever, l’innocent tambour de Poppo ; rien ne parut. Mme  de Langey, très-alarmée pour son singe, dit à Saint-Georges de la suivre en s’armant de son fusil. Tous deux, ils descendirent au centre des jardins de la Rose. La marquise avait mis son masque de gaze. En passant sous un dôme majestueux de palmistes, il lui sembla que le vent avait fraîchi et qu’il agitait leurs panaches. Mme  de Langey pensa que Poppo s’était absenté pour courir le bord de l’Ester, où il se livrait parfois à quelque pêche nocturne et frauduleuse. Le ciel en ce moment recouvrait sa robe