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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

Pour Saint-Georges il restait debout derrière la chaise de Maurice, ne soufflant pas, prêt au moindre signe à lui échanger son assiette ; il remplissait à ce souper l’office de moulin, office curieux dont nous vous entretiendrons tout à l’heure.

Autant vous eussiez ressenti de pitié à voir la tête enfantine de Maurice victime d’une mode qui la défigurait, saupoudrée à blanc, gâtée à force de rouleaux et de plâtrage, autant votre œil se fût arrêté avec intérêt sur la nature ingénument belle de Saint-Georges.

Le maintien du mulâtre était à la fois tranquille et fier ; ses formes, aussi parfaites que celles d’un vrai lutteur phrygien, se dessinaient en relief sur le cèdre et sur l’acap qui boisaient la salle ; la blancheur éblouissante de ses dents, le feu de son œil et une certaine mélancolie noble et douce lui donnaient l’air de l’un de ces jeunes princes noirs que l’on voit apparaître dans les contes arabes, les cheveux relevés en tresses sur le sommet de la tête et arrêtés par des tours en diamans.

Le costume du mulâtre était en effet particulier : Saint-Georges ne portait pas la livrée des autres noirs, Mme  de Langey ne l’y avait pas assujetti.

Non, à son turban de grosses perles, à sa veste de damas lilas rayé d’argent, à ses pendans d’oreilles et à ses bas galamment pailletés, on reconnaissait plutôt le nègre de fantaisie que le noir laquais, le noir esclave.

Et de fait, au milieu de toutes ces faces épatées, de ces misérables valets noirs, tortus, gauches, rabou-