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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

demandait pas mieux que de s’ébattre avec Finette aux belles lueurs d’un soleil couchant, sous les feuilles dentelées de ses grands arbres, de poser elle-même sa main royale sur ses épaules, au rebord de sa chinnta, de marcher avec elle par les pelouses pour y admirer les plantes rares, quelquefois même de folâtrer avec Finette, comme une femme se joue avec un ramier chéri ; mais, à part cet abandon commun aux belles créoles, Mme  de Langey se gardait bien de la rendre dépositaire de la moindre confidence intime…

L’âge de la mulâtresse autorisait-il cette discrétion prudente, ou bien la marquise avait-elle résolu de ne donner à personne la clé de son âme ? C’est ce qu’il importait peu à Finette de pénétrer ; aussi entra-t-elle en véritable étourdie dans cette chambre, riant à gorge déployée et montrant à sa maîtresse un beau collier formé des graines rouges du caitier que M. Printemps, son amoureux, venait de lui offrir.

— Je ne saurais vous donner une idée, madame la marquise, des belles histoires que débite M. Printemps, dit Finette en renouant devant la glace les deux bouts de son madras. Il faut croire que chez M. le maréchal de Saxe il a eu beaucoup d’aventures, car à la veillée d’hier il n’a pas cessé de nous en dire ! Ajoutez, madame, qu’il n’y a pas d’homme comme celui-là pour apprêter le sang gris[1] !

— Ouvre la fenêtre, Finette ; il y a, je crois, un

  1. Boisson en usage au moment où la chaleur est accablante et qui se fait avec du rhum ou du brandy mêlé avec de l’eau. On y jette de la noix muscade, de l’écorce de citron et du sucre.